Niveaux de difficulté des sorties kayak

Comment appréhender le niveau de difficulté des sorties en kayak de mer, ou comment bien préparer une sortie kayak ?

Pour qu’une sortie en kayak soit une expérience positive, il faut que le niveau de difficulté de la sortie soit en adéquation avec le niveau des participants.

Le niveau de difficulté d’une sortie dépend de nombreux facteurs : difficulté technique du milieu (mer, lac, rivière…), saison (hiver/été), longueur des étapes, durée de navigation, nombre de jours cumulés…

Le niveau des participants dépend de la forme physique, de l’expérience acquise en kayak de mer, du niveau de compétence technique, de l’état du moral, de la capacité d’adaptation aux conditions de bivouac.

Il faut participer aux sorties adaptées à son niveau et ne pas hésiter à prendre conseil auprès de kayakistes aguerris.

Pour s’y préparer :

Rythme de progression

Le respect d’un rythme de progression pour la participation à des sorties d’un niveau de difficulté graduel est primordial : réaliser d’abord des sorties à la journée en milieu calme (sortie lac l’hiver) pour se tester sur des durées de navigation de 5h, puis participer à des weekends en mer afin de s’aguerrir aux conditions de houle et de vent avant d’enchainer sur des raids avec bivouac qui cumulent tous les niveaux de difficultés.

Entrainement régulier

Une pratique régulière tout au long de l’année permet de maintenir un niveau de forme physique adéquat permanent. De plus, accompagner les baisses progressives de température hivernale par un entrainement régulier permet de préparer son corps aux sorties hivernales sur lac, et d’acquérir une expérience technique sur les méthodes de protection contre le froid (types de vêtements nécessaires, tenue sèche, nourriture et boissons adaptées).

Exercices techniques

La participation aux séances techniques en piscine sous la supervision d’un moniteur organisées plusieurs fois par an permettent de progresser en terme technique (gîte, propulsion, esquimautage…).

La découverte de l’eau vive est également un plus non négligeable même pour les marins ! Ainsi réaliser quelques séances en bassin artificiel les samedis matins fournit une bonne préparation aux techniques de rivière qui pourront être bénéfiques dans les lônes du Rhône, la Saône proche de la crue, le canal de Savières (déversoir du lac du Bourget), la rivière du Thiez (déversoir du lac d’Aiguebelette), les autres rivières pratiquées en kayak de mer (Drôme, Loire, Gardon, Allier, Dordogne…) et même en mer. La pratique de l’eau vive permet d’être à l’aise plus vite dans l’eau et de réaliser pleins d’exercices de sécurité.

Facteurs de difficultés

Les différents facteurs qui influent sur le niveau de difficulté réel d’une sortie kayak sont les suivants :

  • type de milieu (mer, lac, rivière…) : les milieux calmes comme les lacs sont plus accessibles que la mer ou les rivières en termes de difficultés physique et technique
    • lac, étang : le plus facile car pas de courant, pas de houle (sauf météo venteuse), peu de circulation de bateaux à moteur, peu de traversée (rives généralement assez proches)
    • canal, fleuve : du courant dans un seul sens très prévisible (sauf à proximité des obstacles comme pile de pont), une rive généralement accessible, les débits en France sont très contrôlés et leur mesure (débit, côte) est disponible en temps réel
    • rivière, lône : le plus difficile car nécessite des techniques eau vive pour maîtriser sa trajectoire et rester en sécurité, milieu le plus dangereux. En kayak de mer on se limitera à des niveaux II(III) E1 maximum (classe 2, passages 3, engagement 1).
    • mer : de la houle, du vent, des hauts fonds, des récifs, la circulation de gros bateaux, de longues traversées, une météo moins prévisible peuvent pimenter la navigation
  • climat (saisons hiver/été) : les températures froides de l’hiver rajoutent un cran de difficulté à une sortie. Il faut prévoir une tenue adaptée et subir un aguerrissement progressif aux chutes de température. Les tempêtes en mer sont plus fréquences en automne et en hiver, partir en mer hors été c’est s’exposer à des aléas climatiques (vente, houle) plus fréquents.
  • aléas météo : une mer d’huile peut vite se transformer en enfer lors d’un gros grain ponctuel, ceci peut être évité en consultant la météo régulièrement et en adaptant la navigation en fonction du niveau du groupe (= du plus faible). Mais la mer est rarement d’huile et il y a souvent de la houle et un petit vent, la mer est donc plus exigeante et sensible à la météo. Une sortie facile sur le papier peu devenir difficile du fait de la météo. Toujours anticiper des changements brutaux de météo permet de réduire les galères.
  • longueur des étapes et durée de navigation : une sortie à la journée avec 5h de navigation ne s’appréhende pas comme un simple entrainement de 1h30 à proximité du club. Pour naviguer plus de 3h dans la journée, il faut un entrainement de plusieurs mois. En effet, se propulser par la force des bras n’est pas naturel pour le corps humain : comparez la taille des cuisses avec celle des bras ! A raison d’une vitesse moyenne de 5 km/h pour un débutant, une sortie de 25 km exige 5h de navigation nette auxquelles il faut rajouter le temps de pause (casse-croûte du midi et pauses régulières). Pour supporter un tel effort, un entrainement de fond est impératif. Le principal critère de difficulté est la longueur des étapes < 20 km/j pour une sortie en lac facile, > 30 km/j en mer pour une sortie engagée
  • cumul des journées : une sortie sur plusieurs jours demande plus de résistance physique qu’une sortie sur une seule journée. Plus le nombre de jours d’efforts s’accumule, plus le corps fatigue et devient sensible aux moindres aléas. C’est pourquoi il ne faut pas se lancer dans un raid long (plus de 8 jours) sans s’être testé sur plusieurs sorties courtes où une mi-longue (3-4 jours).
  • rudesse du bivouac : les conditions d’hébergement sont très importantes surtout pour les sorties de longue durée. Un hébergement en dur en hôtel ou bungalow en camping permettent un meilleur sommeil et favorisent le repos. Alors qu’un bivouac avec tente sur sol dur exposé aux intempéries mettent en péril la bonne récupération physique entre deux journées de navigation. Là encore, cela demande de la préparation et d’avoir déjà éprouvé ce type de conditions rustiques.
  • relief, traversée : le type de relief pour une sortie kayak compte énormément. Une sortie le long de plages accessibles est plus facile et sécurisante qu’une longue traversée en mer où de longer une falaise sur une longue distance. La possibilité de disposer de lieux pour débarquer afin de manger au sec où se mettre à l’abri en cas de mauvais temps ou coup de fatigue est importante. Les étapes où le relief ne permet pas de disposer de nombreux lieux de débarquement relèvent le niveau de difficulté de la sortie. Les sorties impliquant de longues traversées en mer relèvent le niveau de difficulté : éloignement de la rive (problématique en cas pépin), exposition aux voies de circulation des très gros bateaux, houle plus importante, sentiment « psychologique » d’isolation, pause au calme impossible.
  • rythme et vitesse : la vitesse de navigation est un facteur limitant. Plus le rythme est effréné, plus la fatigue physique sera importante. La durée du jour et l’étendue de la plage horaire disponible pour naviguer est une composante à ne pas négliger. Elle varie selon la latitude. En effet, se fixer des journées de 25 km en Finlande en été (la nuit tombe à 22h) est plus facile que 25 km en Corse fin octobre après le passage en heure d’hiver, où la durée du jour est plus courte (la nuit tombe à 17h). Le rythme de navigation n’est pas le même pour un même kilométrage selon la durée du jour. Il faut anticiper les contraintes nées de la durée du jour selon la saison et le lieu.
  • débit et côte, seuils, portages : pour les sorties en rivière, un même itinéraire peut changer totalement de physionomie selon le débit et la côte d’eau. Un fort débit génèrera plus de drossages dangereux. Une faible côte révélera d’avantages de rapides difficiles à passer ou de gravières nécessitant un portage. Les barrages, seuils ou obstacles infranchissables nécessiteront de réaliser un portage qui peut être pénible, leur multiplication relève le niveau de difficulté. Indicateurs à surveiller très attentivement avant et pendant la sortie.
  • coefficient de marée et courants : en mer, certaines destinations peuvent être soumises à de forts coefficients de marée et soumises à des courants. Ces contraintes relèvent le niveau de difficulté. S’assurer de bien maîtriser ces éléments, sauf à faire appel à un professionnel.
  • réglementaire : certaines zones sont protégées et peuvent exclure au choix : les feux, le bivouac, le débarquement en kayak. Ne pas pouvoir faire un repas chaud le soir peut entamer le moral et le corps quand il fait froid ; ne pas pouvoir monter sa tente et devoir se contenter d’une bâche tendue peut détériorer le sommeil ; ne pas pouvoir débarquer où on le voudrait peut rallonger une étape. Bien vérifier les contraintes réglementaires lors de la préparation d’une sortie permet d’éviter prison et amendes. Bien informer les participants sur les contraintes inhabituelles nées de ces règlements permet d’éviter certaines galères.
  • repas : la façon d’organiser les repas a une forte incidence sur le moral des troupes, c’est un aspect primordial. Avoir tous ses repas d’avance dans les kayaks est sécurisant mais alourdis les bateaux. N’avoir que de bons produits frais permet de se régaler mais rallonge le temps de préparation des repas et augmente le risque de perte de nourriture pouvant se gâter au fond des bateaux. N’avoir que des rations de survie lyophilisées donne un gain de temps et de poids, mais on perd beaucoup en goût et en convivialité. Il faut donc bien préparer cet aspect-là et ne pas sous-estimer son impact sur le moral et le bon déroulé du raid.
  • cohésion du groupe : les difficultés peuvent ne pas être que physique ou technique, elles peuvent être psychologiques. Un groupe d’amis se connaissant bien va mieux fonctionner qu’un groupe d’inconnus aux caractères multiples, surtout lorsque les conditions deviennent difficiles (raid par mauvais temps). Avant de s’engager dans un raid, il vaut mieux apprendre à se connaître à l’occasion de sorties plus faciles. Un raid est une épreuve autant physique que mentale. Certaines personnalités sont plus difficiles à gérer que d’autres dans un groupe. Il faut savoir s’auto-discipliner et rester bienveillant à l’égard des autres.

Comment communiquer sur le niveau de difficulté ?

Un organisateur aura à cœur durant sa préparation d’identifier tous les aspects et les facteurs de risque de la sortie. Il communiquera en toute transparence à ce sujet sans chercher à les minorer.

Les participants se renseigneront sur le niveau de difficulté de la sortie et vérifieront qu’ils ont le niveau suffisant pour y participer.

Concrètement, une fiche récapitulative de la sortie kayak devra notamment comporter les éléments suivants :

  • Type de milieu : rivière/lac/mer
  • Format : raid en autonomie avec bivouac/navigation en étoile autour d’un camping/sortie à la journée
  • Type d’hébergement : hôtel/bungalow/tente
  • Pour l’eau vive : classification, barrages et seuils, débit et côte
  • Itinéraire de navigation si connu à l’avance
  • Distance totale et quotidienne prévue
  • Durée moyenne et maximale de navigation / jour
  • Rythme prévu (déductible de la distance et durée de navigation quotidienne)
  • Types de bateaux (kayak de mer pontés / dépontés, d’eau vive, SUP…)
  • Relief, réglementaire ou autres spécificités notables
  • Météo prévisible, température de l’eau et de l’air attendues pour la saison
  • Niveau de difficulté général évalué par l’organisateur
  • Présence ou pas d’un moniteur breveté d’état, organisation de l’encadrement sur l’eau

Afin de permettre aux participants éventuels de mieux apprécier le niveau requis pour une sortie, il faut annoncer les prérequis nécessaires, qui peuvent être :

  • une durée d’ancienneté de pratique,
  • une certaine assiduité aux entrainements,
  • une expérience réussie dans une sortie précédente de même niveau de difficulté,
  • l’obtention d’une pagaie couleur,
  • le suivi de certaines séances techniques de préparation (en piscine ou en eau vive),
  • etc.

Idéalement, le comité d’organisation filtre les participants qui souhaitent s’inscrire à une sortie kayak en fonction de leur niveau réel évalué tout au long de l’année par les kayakistes aguerris du club.

Dans le cas particulier de sorties difficiles, très dépendantes des aléas météo ou en cas de présence de nombreux débutants, des documents plus fournis sur les mesures de sécurité et la conduite à tenir sur l’eau comme sur terre pourront être communiqués aux participants.

Feedback

Un retour d’expérience après la sortie permettra de confronter le niveau de difficulté annoncé avec celui réellement constaté, en fonction des aléas subits et du niveau des participants. Et ce afin de mieux cerner le niveau réel et d’améliorer l’anticipation et l’information pour la prochaine sortie.